Jérôme Chauvin, gérant du magasin Terre de Running Luberon, a bouclé en avril dernier le mystique Ultra Run Raramuri au Mexique en 42h21 et une belle 7ème place.
Cette course oppose 15 Européens à 15 Rarámuri (aussi appelés Tarahumara), sur un parcours de 190 kilomètres avec plus de 10 000 m de dénivelé positif. Jamais un européen n’avait battu les méxicains sur ce défi, pourtant équipés en sandales.
Si Julien Chorier a mis fin à cette invincibilité avec le record de l’épreuve à la clé, c’est une autre course que Jérôme a vécu. Découvrez le récit de son aventure dans cette folie mexicaine, entre paysages grandioses et un climat très aride.
» Il est 7h00 du matin, le soleil s’est déjà levé et avec lui une température plutôt fraiche. Après un bon petit déjeuner, il est temps de s’équiper. J’opte pour mon combo favori : t-shirt avec manchettes. Les sacs sont prêts et le moral est bon, avec malgré tout une pointe de stress. Nous sommes tous en place : occidentaux et Raramuri. Le départ est donné de notre lieu de résidence à 2300 mètres d’altitude, ce qui est fort agréable. Des paysages magnifiques et une envie de bien faire et de tout donner. Nous sommes tous alignés sur la ligne, la petite musique de départ pour gonfler les troupes, et … 5… 4… 3… 2… 1… ça y est on est parti !
Julien, part comme prévu en tête avec les Raramouri, et les autres suivent. De mon côté, je pars en dernier avec ma caméra pour immortaliser cet instant. Le temps des observations étant fait, chacun prend sa place, appareils photos et caméras rangés, il est temps de se concentrer et de se mettre dans la course…
Il est prévu 6 points de contrôle (CP), avec de le l’eau et nos sacs d’allègements avec à l’intérieur, notre nourriture et autres rechanges, que nous avions préparés en avances.
Nous sommes 30 au départ. 15 Raramouri et 15 européens, avec des élites et des aventuriers dont je fais partie. Je me retrouve rapidement en milieu de peloton, et, n’ayant pas d’objectif (hormis celui de bien finir la course), je me mets à mon allure. Quelques instants après, je rattrape Thierry Corbarieux (vainqueur de l’Ultra Yukon Arctic Trail, 692km dans le grand froid, réputé comme le plus dur au monde). Le rythme est convenable et je décide de faire le début du parcours avec lui. La température agréable et un ciel bleu lumineux nous fait profiter pleinement de ces décors magnifiques !
Dans la chaleur mexicaine
Au kilomètre 25, je lâche un peu Thierry qui fait une pause à cause de la chaleur grandissante pour rattraper progressivement Vanessa Morales (recordwoman de la montée du Kilimanjaro), qui s’était un peu perdue. Quelques kilomètres plus loin, on arrive au CP1 (Guitayvo), on en profite pour faire une petite pause, le plein d’eau, manger un bout et hop, on repart. À ce moment-là tout va bien et le moral est au beau fixe, on apprend que Julien Chorier est toujours en tête avec d’autres Raramuri … notamment les deux plus jeunes.
En ce début d’après-midi la chaleur devient étouffante et oppressante, on est en plein cœur des canyons en on sait très bien que le reste de la journée va être compliquée. Il faut malgré tout avancer. Le rythme est lent avec des montées longues et des descentes qui le sont encore plus. Il y a peu d’endroit où la course est vraiment possible, car les sentiers sont très accidentés.
On ne le sait pas encore, mais cette canicule va créer beaucoup de dégâts dans le groupe des européens, mais également chez les Raramuri. Le moindre point à l’ombre est profitable et le petit trou d’eau qui se trouve sur notre chemin nous rafraichit à peine. On avance doucement, mais surement dans ce décor de far West, autant aride que gigantesque, pour enfin arriver à la rivière. On en profite pleinement, avec une baignade rafraichissante, on fait le plein d’eau, avant de repartir pour la longue montée vers le CP2 (Guahueyvo, à l’école du village). Elle est terrible cette montée, mais tant bien que mal, on y arrive, on y retrouve Yoann (notre ami Suédois) qui dort, visiblement très affaibli. La pause s’impose, la fatigue est bien là, il nous faudra un moment avant de faire redescendre la température de notre corp et de pouvoir finalement manger un bout, on en profite pour partager quelques sucreries avec une petite fille Raramuri, qui nous apporte en échange quelques citrons. On en coupe un en tranche que nous mettons dans notre coca bien frais, le bonheur…
Nous voilà repartie avec Vanessa pour notre prochaine destination, la nuit s’impose à nous comme une fatalité, et un espoir de température plus confortable, nous redonne de l’énergie. Dans la très longue montée que nous faisons à un rythme convenable, on rattrape notre ami Pavel, allongé sur le sentier qui n’a visiblement plus de jus. Cela en est même inquiétant, quand on voit la carcasse du bonhomme, on se pose des questions … je lui donne une pastille de sel, lui demande s’il a besoin de quelque chose, puis il relève son mètre quatre-vingt-dix avec difficulté et tente de repartir avec nous, en vain. Il est trop fatigué et n’avance plus. Quelques instants plus tard, on finira même par ne plus voir la lueur de ça frontale … Plusieurs kilomètres plus tard, nous arrivons au fameux pont suspendu que nous traversons de nuit malheureusement. Une centaine de mètres plus loin après on tombe sur trois Raramuri en train de dormir, et notamment les deux plus Jeunes, discrètement, on passe à côté sans même les réveiller, pour poursuivre notre chemin.
CP 3 (Churo), 82 km de course, 3 heures du matin. Nous venons de faire la partie la plus sauvage de la course. Notre ravitaillement se trouve dans une maison Raramuri seulement faite de quatre murs, à l’intérieur, un poêle qui sert de chauffage et de cuisinière, un lit ou dorme une dame et son enfant, Le toubib, qui se réveille pour nous ainsi que notre hôte. On fait le plein, on mange une soupe, une petite sieste de 5 mn et on repart …
La suite du parcours en direction du CP 4 et plus vallonné, nous permettant de courir un peu, sur la piste au milieu d’une forêt de pins … les premières lueurs du jour arrivent enfin, annonçant la nouvelle journée qui commence avec tout ce qui va avec. Il est temps de ranger les frontales, et de faire un petit point dans sa tête pour savoir comment on se sent… de mon côté tout va bien, hormis un peu de fatigue naturelle, ce qui n’est pas forcément le cas de Vanessa qui baisse un peu le rythme, quelques kilomètres plus tard et après avoir fait environ 80 bornes ensemble, je décide de reprendre mon allure, pour rejoindre le prochain ravitaillement. Seul donc, et avec un sentiment de bien-être je poursuis mon aventure.
CP 4 (Lodge de San Isidro), 111 kms, c’est en courant que j’arrive, ce qui fait sourire l’équipe de cet accueillant point de contrôle. Je m’installe confortablement et le responsable me donne 5 minutes avant que l’ambulancier me fasse un petit check-up obligatoire pour pouvoir repartir. Mon cardio est déjà redescendu à 85, ce qui me permet de bien récupérer. Je retrouve Christophe, mon collègue de chambre, qui a maintenant une demi-heure d’avance sur moi. Il est sur le point de partir, et surpris de me voir avec un sourire, alors que lui commence à avoir quelques signes de fatigue …
En partant du Ravito, une grande piste nous emmène sur cette fameuse portion de route de 15 kms nous permettant de rejoindre un autre canyon, la descente se fait à vive allure jusqu’au village, que je traverse, pour entamer une série de bosses en pleine chaleur, qui est revenue, et avec la réverbération de la route me donne l’impression de fondre littéralement, je ralentis donc et rattrape Christophe malgré tout qui décide de s’accrocher et de poursuivre avec moi.
Juste avant de reprendre la piste, sortie de nulle part, un Raramuri nous double tranquillement, comme on double un camion sur l’autoroute. Après le lac, ou nous nous sommes rafraichis, c’est à mon tour d’accuser un coup de fatigue. Je ne m’inquiète pas, car avec l’expérience, je sais que souvent, cette sensation est éphémère.
Cuiteco, CP 5, 135 kms, c’est dans la cour de l’église, sous un abri que notre nouveau camp de base s’établie, j’ai besoin de m’assoir, car la chaleur nous a bien calmé et on a bien puisé dans nos réserves, on récupère notre sac, enfin, ce qu’il en reste car les chiens du quartier se sont bien servis (je crois qu’ils sont encore en train de courir, hi hi hi). On a toujours un accueil chaleureux, ce qui nous fait beaucoup de bien. Les enfants dans la cour, qui joue au Base Ball, nous regardent avec curiosité, et interrogation. 35 mn plus tard, en repartant on échangera des sourires et un geste de la main pour leur dirent au revoir, la suite de notre parcours vers le CP 6 est plutôt sympathique, on chemine tranquillement le long d’une rivière qui monte régulièrement et malgré la chaleur toujours présente, on profite de ce très beau décor pour faire le plein d’image.
CP 6 (Boré) 155 kms, la nuit est tombée déjà depuis un moment et c’est au milieu de nulle part, qu’une famille Raramouri nous accueillent très gentiment, poser sur quelques cailloux, une marmite d’eau chaude nous attend et nous permet de prendre une bonne soupe. On ne tardera pas, car il nous reste encore 25 kms à faire, et on a hâte d’en découdre. En arrivant le long de la voie ferrée (qui faut longer sur 2.5 kms), je décide de courir un peu, mais mon ami Christophe qui souffre du tendon a du mal à suivre, un peu plus loin, on tombe sur le seul train de marchandise hyper long, qui s’arrête et nous bloque le passage, on se voit donc obligé de le traverser discrètement en escaladant entre les wagons. Quelques mètres après, la douleur de mon coéquipier nous oblige à nous arrêter, je sors ma petite trousse et me voilà en train de Stapper la cheville de Christophe, ce qui lui permettra de repartir avec moins de douleur … c’est avec une force de guerrier qu’il s’accroche et tente de suivre mon allure plus rapide et soutenue et, c’est avec regret que je me vois contrains de laisser mon ami, car je suis en forme, pour partir en courant comme on part sur une course de 10 kms, adrénaline à son comble et gonflé à bloc, je parcours les derniers kms à fond vers l’arrivée … 1.5 kms avant mon sprint final, ma lampe tombe en panne et c’est au milieu d’une meute de chien aboyant et désirant me mordre les mollets, que je dois trouver une solution, la flemme de sortir ma frontale de secours et les chiens aux fesses, je décide de me servir de mon nouveau gadget, une mini lampe intégrer dans ma montre, me suffira pour accéder à la route et au petit kms qui me sépare de l’arrivée.
Enfin la ligne d’arrivée, la joie et l’émotion me fait un bien fou. Je suis accueilli par Jean-François et Romain qui sont surpris de me voir en pleine forme et avec la banane, et également surpris de me voir, car ils attendaient Christophe, au vu des informations transmises par les balises GPS. »
Ce que je retiens
Comme dans toutes les courses longue distance, il y a toujours des imprévues, des coups de fatigues, des bobos d’un côté ou de l’autre, des rencontres, du partage, de la joie, des paysages et des kilomètres…
Je retiendrai plusieurs choses. Tout d’abord la chaleur, terrible et suffocante. Ensuite le paysage magnifique et aride, cactus immense, village isolé, canyons grandioses. Nous sommes dans une zone où les narco trafiquants font la loi… Nous avons dû traverser des champs de pavot. Et enfin et le plus surprenant, c’est cette rencontre avec les Raramouri, certes peu communicatifs et discrets. Ils sont remarquables !
Un grand Merci aux organisateurs (Jean François Tantin et son équipe) et la gentillesse des bénévoles, qui nous ont fait vivre une formidable expérience, au travers du « livre Born to run » dont on a fait partie le temps d’une course, encore un grand merci.