La chaleur est là, et les conseils se multiplient pour ne pas rompre la continuité de la pratique sportive. Partir tôt le matin, tard le soir (moins convaincant), courir la nuit, aller courir sur un tapis en salle climatisée, s’habiller moins, boire plus, prendre des douches froides, tièdes, chaudes, boire du thé à la menthe, manger des sorbets ou encore investir dans une casquette avec ventilateur intégré…
On a bien des chances de lire de tout, et pas forcément des conseils très avisés. Vue sous l’angle de la nutrition, on peut sans doute apporter quelques éléments de réponse.
Ce que provoque la chaleur
En cas de chaleur, on le remarque facilement quand on a la mauvaise idée de partir courir trop tard, le seuil de la fatigue est notoirement abaissé. En effet, la « machine » entre littéralement en « surchauffe », et ne parvient pas à maintenir le même niveau de performance. A vitesse équivalente, la fréquence cardiaque augmente très nettement, et l’intensité perçue est plus élevée. C’est déjà une raison suffisante pour réduire sa vitesse, et donc éviter les séances difficiles dans ces horaires.
Le moyen de thermorégulation le plus efficace se met rapidement en route : la transpiration. En effet, l’évaporation de l’eau à la surface de la peau permet de provoquer une perte de chaleur, contribuant à prévenir l’hyperthermie. Donc tout naturellement, les pertes hydriques augmentent… et doivent être compensées.
L’hyperthermie, un danger
On pense beaucoup à la déshydratation, sujet crucial pour le coureur de longue durée, qui devient encore plus important dans les périodes de chaleur. Mais le danger sous-jacent est celui de l’hyperthermie, qui est en mesure de vous mettre gravement en danger. En effet, si l’organisme fait tout son possible pour rester à la fatidique température de 37,2°C, c’est parce que c’est la température à laquelle ses enzymes fonctionnent le mieux. Au delà, les fonctions de production énergétique, la livraison de l’oxygène, les synthèses, la neurotransmission, tout est perturbé. C’est ce qui explique pourquoi un état de fièvre important (l’hyperthermie commence à 38,5°C) peut provoquer des troubles comportementaux ou des symptômes neurologiques graves. Ainsi un coureur en hyperthermie peut se mettre à délirer, halluciner, et adopter un comportement dangereux pour lui, voire pour les autres. La déshydratation apparaîtra dans un temps plus long que l’hyperthermie, et ne sera pas exempte de dangers, moins immédiats, mais tout aussi importants.
Les effets de la déshydratation
De la même manière que la température doit être constante pour garantir le bon déroulement des fonctions biologiques, il faut un taux d’hydratation précis pour faire tourner les complexes rouages cellulaires. Le manque d’eau fait changer les conditions physiques et chimiques dans nos tissus et nos cellules, réduisant ainsi leurs capacités fonctionnelles. Cela peut se traduire par une perte d’efficacité de l’effort, une sensation de fatigue exagérée alors qu’on n’a pas de raison d’être en hypoglycémie, et l’impression d’être incapable de se réhydrater, ou d’avaler quoi que ce soit.
La perte d’eau augmente la viscosité du sang, réduisant la qualité de l’oxygénation cellulaire, et diminue le volume sanguin, ce qui réduit la pression artérielle. En réponse, la fréquence cardiaque augmente pour compenser le manque. L’oxygénation étant orientée vers les muscles pendant l’effort, l’intestin déjà pénalisé subit encore plus la dure loi de l’effort.
C’est ce qui explique pourquoi la déshydratation déclenche un cercle vicieux qui aboutit à l’incapacité à manger ou à boire au bout de quelques heures de course.
Moralité : à cause de la déshydratation, tout le monde trinque (pas mal celle là, je devrais la prêter à Yohann).
S’adapter à la chaleur…?
Pour commencer, il faut savoir que l’organisme a la possibilité de s’adapter à la chaleur, donc vivre trop cloîtré sous la clim n’est pas une solution viable si vous aimez la nature. Par contre, outre le choix de courir de nuit ou tôt le matin, à l’ombre, ou sous la pluie (vous risquez d’attendre un peu), il y a la possibilité de s’hydrater par plusieurs biais.
Quand on dit s’hydrater, on pense à l’eau, mais on ne doit pas oublier les minéraux et oligoéléments, connus aussi sous le doux appellatif d’électrolytes, qui accompagnent toujours l’eau, aussi bien quand on la boit que quand on l’élimine. Donc si on perd de l’eau par la transpiration, on provoque des pertes de ces précieux électrolytes, au risque de pénaliser un peu plus les fonctions cellulaires, et de mettre en danger bien plus que la performance.
S’hydrater, pas qu’à l’eau
Donc pour passer à la pratique, plusieurs solutions doivent être choisies, chacune nous aidant un peu à affronter le réchauffement climatique :
- Premièrement boire une quantité suffisante d’eau, pas forcément glacée, et tout au long de la journée. Attention à ne pas tomber dans l’excès d’eau, car boire de l’eau pure ne permet pas de remplacer les électrolytes perdus par voie urinaire ou sudorale. Au contraire, on risque de provoquer une hyponatrémie (manque de sodium, dont le rôle est de maintenir l’eau dans les liquides corporels). Pour information, chaque année, des personnes âgées décèdent en buvant trop d’eau, et on a de nombreux exemples d’athlètes qui ont fini leur carrière et leurs jours sur une route surchauffée de la même façon.
- A l’effort : une boisson d’effort s’impose, mais en version hypotonique. C’est à dire que l’on va veiller à mettre moins de poudre (jusqu’à moitié moins de ce qui est indiqué par le fabriquant, rarement plus) pour la même quantité d’eau. Comme nous avons eu l’occasion de le dire dans les articles précédents, la présence de glucides et d’électrolytes améliore l’absorption de l’eau par l’intestin, ne nous en passons pas ! Une boisson hypotonique sera plus digeste, et plus à même de compenser le manque d’eau sans vous écoeurer.
- A l’effort toujours : on veillera à boire un peu plus que d’habitude, sachant que la quantité de 300 ml par heure ne peut convenir par forte chaleur qu’à de très petits gabarits… et encore. Considérez que l’on peut aller jusqu’à 1litre par heure de boisson pour certains, quand la moitié suffira à d’autres. L’important c’est d’être régulier, d’anticiper, de tester, et de ne pas abuser.
- Lors de vos repas : augmentez la part de végétaux frais de saison, crus ou peu cuits, assaisonnés d’herbes aromatiques fraîches de saison. S’il n’est pas prouvé que la consommation de végétaux d’été vous aidera à mieux lutter contre la chaleur, il est certain qu’ils vous apporteront de l’eau, des électrolytes, des vitamines, et d’autres choses encore, tout à fait opportunes pour votre santé. Donc fruits à gogo, légumes à gogo, concombre, poivrons, tomates, en salade, en tsatsiki, en jus, en smoothie, avec ou sans glace… faits vous plaisir !
- Et l’apéro ?
J’entends d’ici les irréductibles apérophiles essayer d’en profiter pour boire un coup avec un glaçon de plus dans le pastis ou le rosé. Oui, je sais, je leur ai fait de la peine en proclamant haut et fort que l’alcool inhibe la récupération, et je ne vais pas me faire plus d’amis parmi eux cette fois-ci…
L’alcool déshydrate, et tient chaud… pas de quoi s’en resservir une ! Mais prendre un apéritif raisonnable, peu alcoolisé, et bien accompagné de crudités plutôt que de chips ou cacahouètes, c’est tout à fait envisageable… mais pas après les grosses séances ! N’oubliez pas que l’alcool n’a aucun bénéfice pour la santé… ce serait même plutôt le contraire au vu des dernières études.
Bon été à vous, et sortez couverts !
Jean Joyeux