Récompensée par un podium dans sa catégorie (M2), Annick membre du team Terre de Running Antony nous raconte son aventure sur le Grand Raid de la Réunion qu’elle termine pour la 2ème fois.
Gérer le départ
Jeudi 19 octobre : Le grand jour pour Momo et moi, l’aboutissement de mois d’entraînements et de nombreuses courses de préparation pour prendre le départ du Grand Raid de la Réunion, la Diagonale des Fous : 165km et 9580D+ sur les sentiers escarpés et techniques de cette île magnifique.
Il est 20h : Anne nous dépose devant le sas à Saint Pierre : il ne nous reste plus qu’à patienter jusqu’au départ, nous sommes très zen malgré l’ambiance qui règne autour de nous, le Grand Raid est une grande fête.
Enfin 22h, le top départ est donné et nous nous élançons parmi les 2700 coureurs sur l’asphalte de St Pierre sous les applaudissements de milliers de supporters venus assister à ce départ et les lumières du feu d’artifice. J’ai déjà vécu ce moment en 2015 mais il reste toujours aussi impressionnant ! Je m’accroche au sac de Momo et nous essayons de doubler un maximum de coureurs afin d’arriver à l’étranglement qui aura lieu plus tard dans la forêt dans le premier quart de la course.
Puis nous quittons la ville et attaquons le début de la première grosse ascension le long de Piton Textor pour atteindre l’aire du Nez de Bœuf (39km et 2464D+ cumulés). Le début est peu escarpé et très roulant alors Momo part devant… On se retrouvera peut être plus tard.
Objectif Cilaos
Je rentre dans ma bulle, me concentre sur ma course et gère cette ascension assez facilement, largement en avance sur mon horaire prévisionnel. Arrive ensuite la descente jusqu’à Mare à Boue (km 51) que j’effectue assez aisément en suivant 2 locaux : du bonheur !
Je prends des forces au ravitaillement avant d’attaquer Coteau Kerveguen (730D+ et 141D-) : j’avais oublié ce passage casse pattes avec de grandes marches et ça fait mal aux cuisses ! Surtout que derrière, c’est la descente très technique de Mare à Joseph (760D- en 2km), celle là je ne l’ai pas oubliée et elle ne va pas bien se passer : je ne prends pas bien mes appuis, je glisse plusieurs fois et chute plusieurs fois avec au final un bel hématome sur la fesse et une petite entorse de la cheville !
J’arrive ainsi à Cilaos (km67, 3699D+ cumulés), première base de vie, à 10h25, agacée et pas très sereine pour la suite mais dans mes temps. Je récupère mon sac de délestage, change de tee-shirt, mange mon premier vrai plat (des pâtes, la loose !), met ma chevillière, lis mes sms, appelle Florent, retrouve Anne pour quelques minutes : tout ça me rebooste vraiment, surtout que je sais alors grâce aux sms que je suis 3ème M2 ! J’apprends en plus que Momo est euphorique et en très grande forme, c’est génial !!!
Parties casse-pattes avant la nuit
Je repars dans la descente vers Cascade Bras Rouge, magnifique, avant la deuxième grosse ascension : le col du Taïbit (1200D+ en 4km) sous un soleil de plomb qui va rendre ces grandes marches encore plus hautes ! J’appuie sur mes cuisses mais que j’aimerais avoir des jambes plus longues ! Je franchis enfin le col et entame la descente dans le cirque de Mafate en direction de Marla (500D- en 2km) où j’arrive de jour cette fois. Je suis à 17h de course, 78km et 4631D+ cumulés et mes jambes sont douloureuses.
Je reprends des forces avec un plat de lentilles et repars rapidement en direction de la plaine des Merles via le col des Bœufs : un « petit » vallon pas trop méchant avec quand même toujours de belles racines qui obligent à la vigilance !
J’arrive au début du sentier Scout à 17h30, la nuit commence à tomber et j’entame donc la suite de la descente dans Mafate (une des descentes les plus « faciles » de la Diagonale) jusqu’à Ilet à Bourse (km95) que j’atteints à 19h25. Je suis fatiguée et décide donc de dormir ½ heure. Je m’installe sous ma couverture de survie sur l’herbe derrière le ravitaillement et plonge assez rapidement dans le sommeil. Le réveil est difficile, j’appelle Florent pour me remotiver et repars enfin en direction de Roche Ancrée puis Roche Plate Plate : 1117D+ et 787D- en 10km : le pire casse pattes de toute la course !!!
Mafate
Le repos m’a fait du bien mais mes jambes sont lourdes et j’arrive à Roche Plate (km106) à 0h25, épuisée, le moral dans les chaussettes et surtout de sérieuses difficultés à manger ; le solide ne passe plus, je me nourris de soupe chaude et d’Energy Diet. Il me reste à terminer cette ascension du Maïdo, soit encore 1000D+en 6km et je sais que j’aurai fait le plus dur alors je me motive à repartir. Malheureusement mon état va empirer car je vomis peu de temps après…la suite de l’ascension va être très difficile avec le ventre vide et sans parvenir à manger ni boire, plus rien ne passe !!! Je grimpe comme je peux en appuyant sur mes cuisses, à 4 pattes…un enfer !
J’atteins la Brèche (km108 et 6706D+ cumulés) tant bien que mal, je suis encore plus épuisée et démoralisée. J’appelle Florent qui parvient à me rebooster en ayant une idée de génie : mélanger mon Energy Diet dans du bouillon de soupe puisque le chaud passe. Je prends donc le temps, malgré le froid, emmitouflée dans ma couverture de survie, d’avaler plusieurs gobelets de ce mélange afin de reprendre des forces et repars enfin pour la fin de cette ascension du Maïdo que j’atteins à 3h30.
Je suis sortie de Mafate, je me sens un peu soulagée car il ne me « reste plus que » 52km et les plus grosses ascensions sont derrière moi ! Je sais que j’irai au bout et je sais même que je me battrai pour ce podium ! Je continue à me nourrir du mélange Energy Diet/bouillon : ma survie, et repars pour Sans Souci, la plus longue descente de la course (1658D- en 6km)… les cuisses vont être malmenées !
Chance : je rencontre alors un jeune Réunionnais très sympa qui décide de m’emmener à un bon rythme mais « sans courir » me dit-il. Mes jambes sont douloureuses, c’est donc parfait et nous poursuivons notre descente tout en discutant mais moi, je suis obligée de trottiner derrière lui car il a des grandes jambes et sait en plus parfaitement poser ses appuis sur ce terrain qui est le sien !!!
Dernière ligne droite et objectif podium !
Nous arrivons ainsi à Sans Souci (2ème base de vie, 126km et 7564D+ cumulés) à 7h ; je suis très fatiguée mais le moral est revenu, surtout que je croise Momo qui lui, repart. Nous échangeons quelques mots, ça fait du bien !!! Je récupère mon sac, je dois regarder mes pieds car je sens depuis plusieurs kms que l’ongle de mon orteil me rentre dans la peau, il a dû se décoller. J’enlève délicatement ma chaussette, strappe l’ongle, ça ira pour finir la course ! Il me reste à essayer de manger du solide : je m’attable donc avec une assiette de riz/lentilles et vais très lentement parvenir à la manger, victoire !!!
Je me suis arrêtée longtemps mais il le fallait…je me sens un peu requinquée, je vais pouvoir repartir vers le chemin Ratineau : une petite ascension de 630D+ avant la descente de Kaala : courte (1.5km environ) mais redoutable (500D-). Je me rappelle bien de ce passage mais cette année, ils ont installé des cordes d’arbre en arbre, c’est donc plus facile qu’en 2015…mais épuisant quand même pour les cuisses !
Je ne m’attarde pas trop longtemps à ce ravitaillement, je voudrais atteindre celui de La Possession le plus rapidement possible car je sais que Fred et Sylvia chez qui nous logeons seront là avec des fruits frais ! J’attaque donc cette descente avec la pensée de la pastèque en bas et ce sera effectivement un réel bonheur de retrouver des visages connus et de savourer cette pastèque et ce raisin !!!! Je suis alors à 144km de course, je suis épuisée, mon alimentation est toujours très difficile mais il ne me reste plus que 20km alors go !
Une petite bosse (360D+ et 340D-) pour atteindre la Grande Chaloupe, km151 où je me ravitaille rapidement avec quelques morceaux de pommes; j’ai hâte d’en finir ! Je repars pour la dernière bosse et les derniers 15km à 15h30 ; il fait très chaud et l’ascension du col St Bernard par le chemin des Anglais et ses gros galets noirs va être éprouvante mais la fin proche motive et redonne des forces.
Je retrouve une coureuse déjà croisée lors de ce périple et nous montons ensemble un moment jusqu’à ce que je sente soudainement le sommeil m’envahir. Je m’endors en marchant, on décide alors de s’arrêter 5’ au bord du chemin…5’ qui me suffiront et dont le réveil va même être brutal car je vois alors passer la 4ème M2 !!!! J’avais une belle avance sur elle mais mon rythme de course a fortement ralenti depuis la dernière nuit et mes arrêts aux ravitaillements ont été plus longs pour parvenir à manger alors elle a fini par me rattraper…mais il est hors de question qu’elle me pique mon podium !!!!!
La rage s’empare de moi et j’abandonne ma copine de course pour aller rechercher cette coureuse. Je la double dans la petite descente avant l’ascension de Colorado, la dernière ascension que je grimpe à une vitesse étonnante vu mon état de fatigue ! Je retrouve bizarrement les jambes que j’avais au début de la course, c’est hallucinant !!!
Arrivée en haut, j’avale un coca, sors ma frontale et repars très vite pour la dernière descente vers la Redoute car ma concurrente arrive elle aussi. Je sais que je descends mieux qu’elle, je suis un peu rassurée mais je vous promets que j’avale cette descente avec une énergie fulgurante ; j’ai mal aux jambes mais je cours, saute par-dessus les grosse pierres…je retrouve toute ma technique de descente, la volonté donne vraiment des ailes et je franchis enfin l’arche d’arrivée à 18h51, après 44h51 de course, vraiment épuisée mais soulagée, heureuse et très fière : j’ai mon podium sur cette course mythique !!!!
On savoure !
Anne est coincée dans les bouchons, je cherche Momo du regard mais ne le trouve pas alors je m’allonge sur l’herbe proche de l’arche et commence à m’endormir lorsque Momo me rejoint ! On s’étreint, on est dans le même état physique et émotionnel ! On s’allonge sous ma couverture de survie en attendant Anne et Sylvia qui nous retrouvent peu de temps après mais qui semblent un peu inquiètes à nos têtes alors Anne va chercher les docteurs qui nous amènent sur un brancard sous leur tente. Ils nous examinent, Momo est épuisé et en hypoglycémie mais moi, je suis juste épuisée ! Je parviens à boire du coca et m’endors. Les filles nous réveillent au bout d’une heure environ et nous repartons avec elles direction la maison et notre lit !!!!!
Cette première vraie nuit depuis jeudi va être tellement appréciable malgré nos douleurs !! Le lendemain, nous marchons un peu comme des robots mais le sourire et la fierté illuminent notre visage…nous avons survécu à ces 165 km et 9580D+ !!!!
Dans l’après midi, nous nous rendons à la remise des récompenses et je vous promets que je n’ai jamais été aussi fière de monter sur une estrade ! En voyant ce monde, ces élites, je prends alors pleinement conscience de ce que j’ai réalisé…un podium sur la Diagonale, c’est tout simplement magique et les moments difficiles, les douleurs, les chutes, les baisses de moral…tout le « négatif » passe au second plan, seul reste le bonheur de ce trophée !!!
En conclusion, je dirais que cette course mérite d’être mythique par sa difficulté technique et sa beauté !
Nous devons être toujours attentifs au terrain : entre les grosses racines, les pierres, les marches, aucun appui n’est facile, nous n’avons aucun répit et cette vigilance accroit la fatigue !!!
Par contre la somptuosité de ses paysages ne peut qu’émouvoir : on se sent tellement petits face à ces cirques vertigineux !
Un immense merci à Momo, mon frère de course, avec qui j’ai partagé cette aventure, à Anne Valéro qui nous y a préparés et a été présente sur place, à tous ceux qui nous ont soutenus, encouragés pendant la préparation et pendant la course (entre les sms lus aux bases de vie et tous les messages Facebook découverts les jours suivants, on réalise alors le nombre de personnes qui ont été avec nous pendant cette épreuve et je vous promets que c’est un réel bonheur !!!).
Merci également à Arnaud, de Terre de Running d’Antony de nous avoir recrutés dans son team si sympa et si présent également dans toutes nos épreuves et dont nous sommes fiers de porter les couleurs.
Et enfin, un immense merci à Mario, mon primeur et Anne et Guillaume du Lunettarium sans qui je n’aurai pas pu financer cette magnifique aventure !
MERCI A TOUS CEUX QUI M’AIDENT A RÉALISER CES RÊVES, AVANT, PENDANT, OU APRES 🙂