L’expression est plutôt courante (sans mauvais jeu de mots !) dans les pelotons : « Marcher, c’est tricher ! » Bon, c’est sûr que marcher sur un 10 kilomètres ou un semi-marathon n’est pas forcément optimal et reste considéré, par les puristes, comme un échec. Pourtant, dès que l’on passe sur l’ultra-fond et sur les sentiers accidentés, la marche devient partie prenante de la stratégie de course.
C’est d’ailleurs l’une des principales difficultés que rencontrent les novices dans ces disciplines : ils doivent commencer par accepter d’intégrer la marche dans leur pratique.
Cyrano, késako ?
Dès les années 1970-1980, l’Américain Jeff Galloway (marathonien, médaillé olympique désormais coach) préconisait de marcher environ 30 secondes toutes les 4 minutes de course sur marathon afin d’optimiser la performance. Plus tard, le Français Jean-Marc Dewelle formalisait cette technique à destination des coureurs de 100 kilomètres et de 24 heures : joliment baptisée la « méthode Cyrano » (nom qui n’a rien à voir avec le personnage théâtral, mais qui est simplement le pseudo de Dewelle sur internet), cette approche est plus codifiée que celle de Galloway.
Dewelle conseille ainsi, sur 100 kilomètres, d’alterner des phases courues de 9’15’’ avec des phases marchées de 45’’. Sur 24 heures, l’alternance devient 6’ courues pour 1’ marchée.
Néanmoins ces durées doivent être adaptées à chaque athlète, mais le temps de marche doit rester compris entre un minimum de 30 secondes et un maximum d’une minute. Afin de mieux vivre le changement de rythme et de sollicitation musculaire induit par le passage de la course à la marche (et inversement), il est conseillé de s’entraîner régulièrement à cette alternance.
Oui, marcher, c’est tricher, parce que…
- Marcher repousse la fatigue en introduisant une variation des sollicitations musculaires et, sur les sections à fort denivelée positive, en optimisant le coût énergétique.
- Marcher permet de récupérer en abaissant la vitesse de progression et la fréquence cardiaque.
- Marcher de manière rationnelle introduit une diversité qui brise la monotonie d’une épreuve longue et évite les baisses de moral en fixant des objectifs intermédiaires et en découpant l’effort en petits tronçons.
- Marcher permet de limiter la dérive cardiaque sur les efforts de longue durée.
- Marcher permet de se ravitailler plus calmement et plus facilement (or on n’avance pas sans carburant dans le réservoir !).
- Gérer rationnellement les phases marchées et courues permet d’obtenir une vitesse moyenne supérieure à une gestion « à la sensation » où l’on se force à courir à tout prix jusqu’à craquer et subir la marche durant de longues sections.
Marcher, d’accord, mais efficacement !
Pour que la marche soit efficace, il faut éviter de se prendre pour un randonneur en promenade de santé, le nez au vent et le brin d’herbe coincé entre les lèvres. Loin de l’allure d’une balade dominicale, on cherche plutôt à adopter une marche sportive.
- Pour les trailers : la marche en côte
En côte, la posture diffère nettement de la course :
– Le corps est penché vers l’avant, les mains se posent sur les cuisses pour soulager les membres inférieurs et favoriser la poussée.
– Les enjambées s’allongent pour compenser la perte de fréquence.
– Le pied se pose à plat sur le sol afin d’épargner les mollets.
– Le centre de gravité bascule vers l’avant pour maintenir l’équilibre et enclencher la foulée suivante.
Plus les pas s’allongent, plus les effets de levier sont importants : plus vous allongez la foulée, plus vous pouvez amplifier votre mouvement… mais plus vous devez aussi disposer d’une force suffisante pour maintenir l’effort longtemps.
Attention ! Il ne faut pas se plier excessivement en deux car le diaphragme est alors comprimé, ce qui ne facilite pas franchement la respiration et l’oxygénation du corps (donc des muscles). Une posture très pliée n’est valable que pour les montées très raides et les kilomètres verticaux.
- Pour les coureurs de fond : la marche sur terrain plat
Rien de plus naturel que marcher sur un itinéraire plat. Pourtant, lorsqu’il s’agit d’optimiser la performance, la gestuelle mérite d’être légèrement adaptée afin de rester « sportive » :
– Les enjambées s’allongent un peu pour compenser la perte de fréquence.
– Le pied se pose d’abord au niveau du talon avant de se dérouler jusqu’à la pointe (ce qui constitue un changement majeur pour les coureurs qui attaquent avant ou médio-pied).
– Les bras continuent à jouer un rôle moteur afin de maintenir une cadence satisfaisante.
Marcher, conseils pratique
Entraînez-vous régulièrement à enchaîner marche et course afin de :
- définir quel rythme d’alternance est le plus adapté pour vous, :
– vous habituer à passer d’une technique à l’autre,
– améliorer votre efficacité en marche.
- En montée, testez différentes techniques :
– Mains en appui sur les cuisses.
– Mains dans le dos, comme Marco Olmo, l’un des pionniers en matière d’ultras en tous genres.
– Avec des bâtons, en essayant l’appui simultané des deux bâtons ou les appuis alternés droite/gauche.
La technique et la prise en main des des bâtons demande un certain entrainement mais nous verrons cela dans un prochain article 😉
D’ici là marchez sans culpabiliser !
Marie Paturel