Le kilomètre vertical appelée communément KV est une épreuve en pleine ascension dans les massifs montagneux européens. Dans une population sportive à l’affût de nouvelles sensations, le défi d’avaler 1000 m de dénivelé positif dans le temps le plus court possible fait des émules.
Le paradoxe du KV
En kilomètre vertical, seul le dénivelé est fixe, pas la distance. Plus la pente est douce, plus la vitesse de déplacement du coureur est élevée, mais plus la distance est longue. Inversement, plus la pente est forte, plus la progression du coureur est lente mais plus la distance est réduite. La pente idéale pour réaliser la meilleure performance se situe donc quelque part entre ces 2 extrêmes.
Sur le terrain, les meilleures performances se déroulent à Fully, en Suisse, sur un parcours de 1920m de long. Le départ se fait à 500 m d’altitude et suit une ancienne voie de funiculaire. Le tracé rectiligne traverse des vignes, des prés et des forêts. Comme sur tous les parcours de KV, un panonceau indique chaque 100m de dénivellation, constituant un précieux repère dans la progression des coureurs. L’arrivée se situe à 1500 mètres d’altitude et la pente moyenne est de (1000/1619) x 100 = 61.7 % (1619m étant la distance horizontale correspondant à 1000m D+ et 1920 m de montée). Peu de parcours présentent une telle homogénéité dans le tracé.
A Chamonix par exemple, le tracé de 3.8 km serpente un certain temps dans la montagne, réduisant à néant les possibilités de record. En d’autres lieux, c’est la technicité du parcours, comme le passage de blocs rocheux, qui nuit à la performance. Autre avantage du parcours suisse, l’arrivée à 1500m n’impose pas aux coureurs une course en hypoxie. Les marches qui jalonnent le parcours de Fully sont également un critère important de la rapidité du parcours car on a enregistré des vitesses ascensionnelles encore supérieures sur de longues montées d’escaliers en Suisse.
En conclusion, le parcours idéal (le plus rapide) est rectiligne, avec une pente régulière d’environ 60%, sur un revêtement homogène et non glissant et idéalement jalonné de marches pour faciliter appuis et poussées.
Pour les meilleurs, la durée de course est de 30mn chez les hommes et 41mn chez les femmes, ce que l’on peut rapprocher d’un 10 km route, idem pour le reste du peloton. Aucune expérience n’a été menée pour mesurer la consommation d’oxygène sur un KV mais l’analyse des fréquences cardiaques, et notamment le pourcentage de fréquence cardiaque de réserve utilisée, donne des résultats moyens de 80 à 90%, là encore très proches de ceux d’un 10 km. D’un point de vue bioénergétique, il s’agit donc d’un effort aérobie, à la limite du seuil d’accumulation des lactates. Les 2 premières qualités requises pour performer en KV sont donc une forte puissance aérobie et une fraction de VO2max élevée sur la durée de la course, correspondant à un seuil anaérobie au delà des 85%, voire supérieur à 90% chez certains athlètes.
La comparaison avec le 10 km s’arrête ici car l’analyse de la tâche passe également par l’analyse de la gestuelle. Le KV est fort différent de la course de montagne. En effet, au-delà de 20% de pente, l’énergie élastique de renvoi devient nulle, et la puissance règne en maître. C’est là la principale difficulté pour le néophyte. Le profil de coureur ultra léger et élastique, performant sur route à plat et en montée courue (type championnats FFA) laisse la place au coureur puissant et technique, sachant également se servir des bâtons comme 2 membres tracteurs et propulseurs.
La technique joue en effet un rôle majeur dans la performance. On distingue plusieurs formes de locomotion, avec ou sans bâtons : la course classique dans les parties moins pentues, la marche semi-fléchie avec appuis des mains sur les cuisses, la marche quadrupédique (on tire et on pousse avec les mains), la marche à l’amble avec bâtons (pied gauche-bras gauche et pied droit-bras droit), la marche croisée avec bâtons (pied droit-bras gauche et pied gauche-bras droit) et la marche simultanée (les 2 bâtons poussent en même temps).
Le KV nécessite donc un entraînement spécifique pour acquérir puissance et technique, pour apprendre à gérer son effort sur les 1000m verticaux qui se dressent devant vous. Ce type d’effort est tellement recherché que l’on a assisté en 2014 au premier K3, un 3000m positif au départ de Suze en Italie, gagné en 2h06, soit à près de 1500m/h, une sacrée performance.
Pascal Balducci