Une TDS pas comme les autres – par Greg TDR Bourgoin
A l’instar de Xavier Thévenard – mais plus modestement – le grand chelem des courses majeures de l’UTMB me tenait à cœur. Après la CCC (2012) et l’UTMB (2014), la TDS, effrayante de prime abord, restait un doux rêve de par son côté plus sauvage et montagnard que ses consœurs. Les points en poche, sans les chercher, je maintenais le cap de l’inscription malgré la boucle Beaufortaine ajoutée à l’occasion du dixième anniversaire de l’épreuve. La loterie du tirage au sort passée avec succès, je me programmais un entrainement progressif et structuré qui devait m’emmener au départ dans les meilleures conditions possibles. La vie en avait malheureusement décidé autrement et je me retrouvais blessé, dans mon âme et dans ma chair, à la sortie du Printemps… Le temps perdu étant irrattrapable c’est en forme, reposé mais sous entraîné, que je me retrouvais au départ de mon sixième ultra. Une équipe de choc autour de moi et une envie décuplée me permettaient néanmoins d’être à bloc, à minima dans la tête ! TDS TOP départ Courmayeur, mercredi 28 août 2019, 4h00 Concentré sur la ligne de départ, je n’en mène pas large face aux coureurs qui m’entourent dissertant sur les multiples kilomètres et dénivelés effectués pour être à mes côtés aujourd’hui. Pas le temps de cogiter, le départ est donné. Quelques kilomètres roulants et bitumés nous conduisent au pied du Col Checrouit. Je dois être en milieu de peloton et la large piste 4×4 me permet de prendre mon rythme sans fournir d’effort superflu pour doubler les concurrents un peu plus lents que moi. S’en suit un single – reconnu lors du week-end choc de début Août – menant à la première partie roulante vers le lac Combal via l’Arrête du mont Favre. Mon rythme dépend alors trop des coureurs qui m’entourent. Le jour commence à se lever, et les montagnes se découvrent peu à peu autour de moi. Aucun nuage menaçant à l’horizon ! La course se poursuivra au sec. Après le premier ravitaillement (Km 15 – 1 355m D+), je découvre le Col Chavannes et ses 2600m d’altitude. Une longue ascension en single bercée par les encouragements constants d’un bénévole hurlant depuis le sommet. J’ignore s’il en a conscience mais l’entendre nous permet d’oublier quelque peu les pourcentages parfois indigestes de cette magnifique grimpette sauvage. Je jette un œil à l’arrière : les écarts commencent déjà à être conséquents. Je gère l’interminable descente roulante vers Alpetta, m’étonnant toujours de ceux dont le rythme et la foulée ne semblent pas en phase avec la distance restant à parcourir. L’entrée en France – via le col du Petit Saint Bernard – marque la première baisse de régime significative. L’approche du mur final est plus exigeante que sur le profil et c’est à bout de force, mais sous les encouragements de nombreux spectateurs, que je parviens au premier ravitaillement majeur (Km 35 – 2 500m D+). Le temps de recharger les batteries et je me lance prudemment dans les ultimes kilomètres de la première étape. Bourg Saint Maurice, mercredi 28 août 2019, 10h57 L’objectif d’arriver au premier point d’assistance dans un état de relative fraîcheur est manqué ! Ces cinquante premiers kilomètres ont déjà bien entamé mon – petit – capital physique et la suite des festivités ne laisse rien présager de bon. Néanmoins, voir le copain Toinou, le frangin Patou et mon grand aux petits soins regonfle le moral. Qui plus est, la présence surprise des copains du jeudi venus m’apporter leur soutien, ainsi que les innombrables messages reçus transmettent une force difficile à expliquer qui permet de repartir en mode guerrier. Et de guerre – sportive j’entends bien – il en est quasi question, tellement le menu est indigeste : 2 000m de D+ pour rejoindre le Passeur de Pralognan via le magnifique Fort de la Platte. Le plaisir des yeux, l’enfer des quadris. Une pente si raide que, par moment, les bâtons hissent plutôt qu’ils n’assistent. Régulièrement, des coureurs s’écartent de la trace pour retrouver leur souffle ou faire baisser le lactique. Pour certains, la course s’arrête ici, moteur serré malgré une météo clémente sous un ciel voilé. Et nous ne sommes pas encore à la mi-course ! Attardons-nous sur ce fameux Passeur de Prolognan : outre une marche d’approche de plusieurs heures, son ascension finale, dans un décor lunaire, consumera toute les ressources énergétiques de votre corps. Au sommet, sans que l’endroit s’y prête, je n’ai pu faire autrement que de me poser une quinzaine de minutes. Il aurait été déraisonnable de m’attaquer à la redescente (avec cordes !) dans l’état dans lequel j’étais : vidé ! Cette pause – plus indispensable que salvatrice – me permit de reprendre bon nombre d’imprudents n’ayant pas mesuré l’impact qu’avait eu ce doublé Fort de la Platte – Passeur de Pralognan. Cormet de Roseland, mercredi 28 août 2019, 15h11 Assistance non autorisée, mais assistance présente ! Quel plaisir d’entendre le front de libération des roux, de voir le sourire de mon fils et de sentir les bras forts de mon Patou et, dans mon esprit, si je passais ce cap, rien ne pouvait m’empêcher de voir Chamonix… Négligence quasi fatale, le passage vers la Gittaz allait marquer mon esprit, mon corps et presque ébrécher mon mental. Malgré la spéciale « Papa Greg » de Nadia et Bourriquet dans l’invraisemblable passage du curé, les jambes allaient rendre l’âme dans la terrible montée, droit dans le pentu, du versant ouest du col. Les forces restantes ne semblaient plus suffisantes pour affronter les crêtes vers le Pas d’Outray mais une bonne foulée Espagnole vint à mon secours me sortant progressivement de cette spirale négative. Beaufort, mercredi 28 août 2019, 21h Impossible de me cacher ! Plus grand-chose ne tourne rond mais, à cet instant, je ne le sais pas encore, je vais vivre le moment le plus intense de toute cette aventure. Mon petit bonhomme de 13 ans, à lui seul, n’aura besoin que de 30 minutes pour me faire oublier fatigue,