L’effort en altitude, acclimatez-vous !
L’été n’est pas seulement synonyme de farniente sur le sable. Il est aussi la pleine période des trails de montagne qui proposent fréquemment de grimper en altitude. Or cette dernière n’est pas sans effet sur le coureur à pied. La mode du trail running se traduit par la multiplication des épreuves, notamment en montagne. Il est désormais banal de courir à des altitudes auxquelles on n’osait pas s’aventurer autrefois sans grosses chaussures de randonnée et sac à dos bien rempli. Aujourd’hui, les parcours proposent fréquemment des passages à plus de 2 000 ou 3 000 mètres d’altitude, comme sur la Skyrace de Montgenèvre (qui accueillait le week-end dernier les championnats de France) ou le Trail Verbier Saint Bernard (qui s’est déroulé le week-end dernier en Suisse). Pourtant, évoluer à de telles hauteurs – qui plus est en courant ou en essayant de courir – n’est pas anodin, loin de là ! Que ce soit à la montée, lorsque l’effort se fait intense, ou à la descente, lorsqu’on est tenté de lâcher les chevaux alors qu’il faut rester particulièrement vigilant pour éviter la chute, l’altitude n’est pas sans impact sur l’organisme du trailer. Altitude = hypoxie ! L’altitude a un lien direct avec l’oxygène disponible dans l’air : plus on monte, moins la pression atmosphérique est élevée (hypobarie) et moins la pression en oxygène est forte (hypoxie). Par conséquent, on éprouve davantage de difficultés à respirer, la quantité d’oxygène étant de plus en plus faible. Ce n’est pas seulement en très haute altitude que l’hypoxie a des conséquences sur l’organisme. Ses effets se font sentir en général au-delà de 1 000 mètres d’altitude – sachant toutefois que les « symptômes » diffèrent énormément d’un individu à l’autre : entre 1 000 et 2 000 mètres, on peut ressentir les effets de l’altitude lorsque l’intensité de l’effort est élevée ou lorsqu’on est assez mal préparé physiquement ; entre 2 000 et 5 000 mètres, des symptômes peuvent apparaître au repos et lors d’un effort de faible intensité. Des signes variés et variables Il est difficile d’émettre des généralités en matière de signes physiques liés à l’altitude car ils varient énormément : selon les individus (chacun de nous est plus ou moins sensible), selon l’habitude de chacun à évoluer en montagne (un sportif de la plaine a plus de chances de ressentir les effets de l’altitude qu’un coureur qui vit en station de ski toute l’année). Au-delà de cette variabilité interindividuelle, l’organisme réagit cependant de manière uniforme en développant des adaptations : la viscosité du sang augmente le nombre de globules rouges (qui transportent l’oxygène) augmente grâce à la sécrétion d’érythropoïétine (EPO). Ainsi, les mécanismes en anaérobie ne sont pas affectés par l’altitude car, dans ce type d’effort court et intense, le muscle fonctionne sans requérir d’oxygène. En revanche, les efforts longs qui mobilisent des mécanismes en aérobie sont affectés par le contexte hypoxique. Si le Mal aigu des montagnes (MAM) concerne surtout les altitudes relativement élevées, auxquelles le trailer est rarement confronté lorsqu’il porte un dossard ou prépare une compétition, les symptômes d’une difficulté d’adaptation de l’organisme peuvent apparaître : maux de tête, fatigue, nausées, vertiges, déshydratation plus rapide… Dans tous les cas, ces signes physiques ne doivent pas être ignorés : au lieu d’avaler un cachet de paracétamol pour apaiser les céphalées, on préférera redescendre plus bas ou bien se mettre au repos pour s’acclimater. S’acclimater et s’habituer Pour éviter de subir les effets de l’altitude au repos et a fortiori à l’effort, un temps d’acclimatation peut être nécessaire ou, a minima, la répétition d’entraînements à l’altitude que l’on rencontrera en compétition. Le nombre de jours nécessaires à l’organisme pour s’adapter à la situation d’hypoxie varie d’un individu à l’autre : alors que certains auront besoin de seulement 2 jours, d’autres devront attendre 8 jours pour ressentir un mieux-être. Il est donc essentiel d’être à l’écoute de son corps et de repérer les signes de stress hypoxique pour moduler : l’intensité de l’effort (baisser d’environ 10 % cette intensité lors des premiers jours), le volume d’entraînement (baisser d’environ 25 % le volume au début du séjour), le temps de récupération (l’augmenter sensiblement entre chaque entraînement intense). Pour avoir des effets bénéfiques sur la performance, le séjour en altitude doit être suffisamment long, autrement dit s’étirer sur plusieurs semaines. Toutefois des recherches font encore débat : tandis que certains conseillent de dormir en bas et de s’entraîner en haut, d’autres suggèrent de dormir entre 2500 et 3000 m d’altitude et de redescendre pour s’entraîner. Quoiqu’il en soit, pour le trailer qui prépare une épreuve en montagne, l’objectif est moins de chercher à booster ses performances en jouant avec l’altitude que d’éviter de subir de plein fouet des symptômes délétères le jour J. L’idéal est donc de s’entraîner plusieurs fois à des altitudes similaires à celles de la compétition afin d’apprendre à gérer le stress hypoxique. Les week-ends chocs, recommandés au cours de la préparation d’une épreuve longue distance, constituent de belles opportunités d’organiser un séjour à la montagne. Enfin, un petit tour chez un médecin du sport peut être bienvenu afin d’éviter toute mauvaise surprise. En pratique et pour résumer… Si je prépare une épreuve ou un séjour en montagne avec passages en altitude : je vais consulter mon médecin en lui expliquant mon projet ; je ne banalise par l’altitude et reste conscient des risques et implications de la pratique sportive en (haute) montagne ; je m’entraîne plusieurs fois aux altitudes que je rencontrerai le jour J ; je planifie un ou plusieurs séjours à la montagne, par exemple à l’occasion de week-ends chocs, en adaptant l’intensité, le volume et le temps de récupération entre les séances si je ressens des symptômes de stress hypoxique. Bel été à tous !